05/07/2023
Bonjour Docteur Wetchoko, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs s’il vous plaît ?
Bonjour, je suis le Docteur Lucie Wetchoko, médecin et passionnée de nutrition.
Quelles sont les motivations qui vous ont poussée à exercer la médecine ?
Le choix de cette profession s’est présenté à moi comme une évidence. Ma mère m’a raconté qu’à deux ans, je suis tombée malade. Nous avons déménagé de Yaoundé au Cameroun où je suis née, à quelques kilomètres de là, dans la ville de Nkongsamba.
C’est très humide, il y pleut beaucoup et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à faire de l’asthme. Ma mère m’emmenait à l’hôpital, je ne supportais pas la peinture, les nouvelles voitures… Tout ce qui avait une odeur agressive.
Je faisais des crises à la suite desquelles on m’hospitalisait. Nous en avons beaucoup souffert avec ma maman. J’avais toujours des rhinites, tous les matins jusqu’à 10h. Cela a marqué mes amis qui m’ont connue petite, car j’avais toujours des mouchoirs, j’avais le nez qui coulait, la gorge et les oreilles qui grattaient… Aujourd’hui, on est capable de dire que ce sont les signes d’une intolérance à l’histamine mais autrefois, c’était encore un mystère non élucidé. Avec le temps, j’ai appris de moi-même que j’aime relever des défis, j’aime chercher et trouver des explications lorsque je rencontre une problématique. Je pense que c’est ce trait de caractère qui m’a donné envie de faire médecine.
Vous vous êtes spécialisée dans l’intolérance à l’histamine. Pourquoi ?
En réalité, je suis devenue spécialiste parce que j’ai été malade. J’ai voulu me soigner et comprendre tous mes symptômes que personne ne comprenait. Au cours de mes études, j’ai consulté des médecins à la Clinique Universitaire Saint Luc à Bruxelles, on me disait : « Pour vos allergies, on ne peut pas vous désensibiliser ». J’ai donc vécu avec ça. On me disait de déménager, d’aller habiter dans des endroits où il n’y avait rien, je me suis dit : « C’est donc ça ma thérapie ? ». Je résidais à l’époque dans de grands immeubles universitaires, où beaucoup de personnes fumaient. L’environnement était très pollué, ce n’était vraiment pas confortable pour moi. Je suis donc partie, dans une petite maison plus isolée à Zaventem, sans avoir trop d’explications. Il est vrai qu’après quelque temps, je m’y sentais déjà bien mieux.
En 1994, on ne parlait pas d’intolérance à l’histamine. J’avais néanmoins constaté que la pollution aggravait mes symptômes, ainsi que le stress. Pendant une épreuve d’examen, je manquais d’oxygène, je n’arrivais plus à respirer. J’étais asthmatique mais sans sibilances, et pourtant je ne pouvais pas parler.
Je me souviens de la nuit du 31 décembre 1993 au 1er janvier 1994. Nous sommes allés en boîte de nuit pour le Réveillon. Comme tous les gens de mon âge, j’ai respiré les vapeurs d’alcool, la cigarette, etc. Je ne m’en suis pas méfiée puisque personne ne m’avait mise en garde contre cela, je vivais comme tout le monde ! Le lendemain, je suis allée manger avec un ami au restaurant, et je n’arrivais pas à reprendre mon souffle, je n’arrivais même pas à manger. J’ai marché jusqu’à l’hôpital, et en arrivant je leur ai expliqué ma situation.
J’ai alors été auscultée par un médecin urgentiste qui m’a dit : « Ce n’est rien Madame ». Je lui ai soutenu que c’était le diagnostic que l’on établissait systématiquement mais que je sentais qu’il y avait bien quelque chose qui n’allait pas. J’étais étudiante en médecine, j’avais cette intuition que mon état de santé n’était pas bon. J’étais toujours essoufflée, très fatiguée… Mais je suis quand même rentrée chez moi. Je n’avais pas de famille avec moi, j’étais seule, et j’ai fini par retourner en cours. J’étais en pleine période d’examens, dans un environnement de stress et de pollution. Un matin, en plein examen, j’ai dit à ma collègue : « Là, je ne suis vraiment pas bien ». Pensant bien faire, elle m’a alors donné un Dafalgan Codéiné… Et quelques minutes après, mon état s’est franchement dégradé. À l’époque, étant dans l’ignorance totale de mon réel état de santé, je n’ai pas fait le lien avec la codéine, qui augmente la production d’histamine. Or mon corps en était déjà saturé. Vers midi, j’ai décidé de retourner à l’hôpital. Avec les escaliers, la marche jusqu’à l’hôpital sur une route sinueuse et des dénivelés… J’avais vraiment le souffle très court. Cela m’a marquée, je m’en souviens encore aujourd’hui.
En arrivant à l’hôpital, j’ai dit à l’hôtesse d’accueil des services d’urgences que je ne me sentais pas bien, et que j’étais déjà venue la veille. Elle a compris que j’avais mal à la gorge et m’a orientée vers le service ORL, elle m’a demandé de descendre de plusieurs étages. J’ai dû encore marcher, j’étais épuisée. Je suis enfin arrivée dans le service concerné, il devait être entre midi et quatorze heures, et durant la pause déjeuner les spécialistes ne consultent pas. J’ai donné mon document des urgences à la secrétaire, et j’ai patienté, respirant toujours avec difficulté. Le spécialiste est enfin revenu, il a fait rentrer son premier patient de l’après-midi dans son bureau…